Camille Etienne ouvre le champ des possibles !
Le 18/08/2022
Camille Étienne, 24 ans, milite pour la justice sociale et climatique à travers des actions de lobbying, de désobéissance civile, artistiques, juridiques. En 2 ans, elle est devenue une figure du mouvement climat. Le magazine Cultures Bio l'a interviewée.
Sur Instagram, on la connaît sous le nom de Graine de possible.
Camille Étienne, 24 ans, milite pour la justice sociale et climatique à travers des actions de lobbying, de désobéissance civile, artistiques, juridiques.
En 2 ans, elle est devenue une figure du mouvement climat en additionnant des vidéos poétiques d’une grande force évocatrice et mille actions pour les causes qui lui tiennent à cœur. Indignée, toujours en lutte, cette influenceuse enchaîne les petites victoires pour libérer l’avenir.
Propos recueillis par Gaïa Mugler
Face à l’ampleur des enjeux climatiques et de l’inaction globale, comment gérez-vous la colère ?
J’explose de colère ! Mais j’extériorise dans l’action et l’indignation. Le pire n’est pas la colère, qui peut être saine, mais le sentiment d’impuissance et d’angoisse. Alors j’écris, j’agis. L’important est de ne jamais détourner le regard parce qu’on a peur de savoir.
Pensez-vous être représentative de votre génération ?
La génération, c’est juste une tranche d’âge. La génération dite « climat » n’est pas la première ni la seule. Dans la sociologie de l’engagement, hors Paris, ce sont les plus âgés qui s’engagent et changent les choses localement. Toutefois, il y a une injustice inhérente à ma génération : elle vivra plus longtemps les conséquences de la crise climatique, ce qui explique qu’elle soit ou devrait être plus engagée.
D’où la vidéo artistique Générations, qui parle la nécessaire alliance entre générations.
Si j’ai de la rancœur à l’égard des gens qui savaient, comme les dirigeants de Total qui ont fabriqué de fausses études via des lobbyistes, je n’en ai pas à l’encontre d’une génération spécifique. J’ai réalisé cette vidéo car ce sujet freinait mon action. Les précédentes générations ont eu leurs défis et leurs victoires que l’on prend aujourd’hui pour acquises. Je voulais aborder cette tension et le fatalisme de certains, plus âgés, qui voudraient attendre que ma génération arrive au pouvoir. Sauf qu’on n’a pas le temps d’attendre ! La question n’est pas de savoir « à qui la faute », mais qui sont les vrais coupables.
Vos œuvres activistes sont d’une beauté à recomposer le rythme cardiaque sur une nouvelle partition. Selon vous, la beauté est-elle politique ?
Bien sûr. On reçoit 1 000 à 2 000 stimuli commerciaux par jour, donc les infos, y compris de première importance comme celles du Giec, glissent sur nous, noyées. Notre cerveau ne retient pas ce qui est le plus nécessaire à notre survie, mais ce qui nous touche. Or, l’art touche dans la chair, ça n’est pas mou ! C’est un outil extrêmement puissant, c’est un moyen politique d’être au monde, un catalyseur.
On reproche à la jeunesse d’être idéaliste. Qu’y répondre ?
Oui j’ai des idées, et heureusement, c’est le principe de la politique. Heureusement qu’on a une vision qui nous met en mouvement ! Avec le Covid ou la guerre en Ukraine, on a bien vu que l’impossible devenait possible, c’est une question de volonté politique. Je ne dis pas que c’est facile, je dis que c’est faisable. On confond fiction et réalité. Les limites planétaires, physiques et biologiques sont des réalités. À l’inverse, le capitalisme, longtemps présenté comme une réalité indépassable, n’est qu’une fiction parmi d’autres. Le capitalisme est une histoire mais on peut choisir d’en raconter une autre. Quant au reproche fait aux jeunes d’être trop émotifs, c’est plutôt ceux qui ne le sont pas qui ont un problème : le monde se meurt, ce serait curieux que ça ne nous touche pas !
Que pensez-vous des « indignés du canapé » qui s’indignent mais n’agissent pas ?
Je les préfère à ceux qui ne s’indignent même pas ! Mais il faudrait passer à l’étape d’après. Le plus difficile, c’est de pousser la porte de l’action pour la première fois. Une fois embarqué, on trouve sa place très vite.
Tout le monde peut-il vraiment s’engager ?
L’activisme est plus large que l’image traditionnelle qu’on en a. C’est une posture, c’est lorsque toutes nos décisions sont prises via le prisme de l’urgence écologique et sociale. Un agriculteur qui ne fait pas le blocage d’une firme pollueuse mais crée un espace communautaire ou lutte pour passer en bio est un activiste. L’idée est d’être en résistance, c’est une capacité à ne pas se résigner. Ce n’est pas un sport ou un hobby !
Un mot à retenir de votre engagement contre EACOP* ?
Entre l’Ouganda et la Tanzanie, l’entreprise française TotalEnergies est en train de construire le plus grand oléoduc chauffé au monde, EACOP, alors qu’on sait qu’il faut laisser les énergies dans le sol et qu’il y a de nombreux enjeux humanitaires ! C’est une ligne rouge à ne pas franchir et on peut encore arrêter ce projet.
* East African Crude Oil Pipeline, en français Oléoduc d’Afrique de l’Est.
BIO EXPRESS
• Camille Etienne est une militante, artiste et influenceuse de 24 ans engagée pour la justice climatique et sociale et la biodiversité.
Elle a réalisé de nombreuses vidéos poétiques et militantes de format court, diffusées en ligne. Sa vidéo Réveillons-nous (2020) dépasse les 15 millions de vues et fait le tour du monde. Au sein d’Avant l’orage, elle réalise en 2022 Générations (Graine_de_possible ou Avant_l’orage sur Instagram).
• D’après Vanity Fair, c’est une des 50 Françaises ayant marqué 2020, année où elle est invitée à l’université d’été du Medef et y porte son discours devant les grands patrons.
• En 2021, elle est la rédactrice en chef invitée du numéro spécial « L’écologie ou la mort » de Socialter, réédité en 2022. Une jeune personne à suivre.
Retrouvez cet article en intégralité dans le n°124 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.